Jurisprudence “Région Nord-Pas-de-Calais ; dite aussi “jurisprudence Louvre 2”.
Concernant les marchés et plus spécialement les MAPA, les EPLE sont pour le moment relativement épargnés par la juridiction administrative. Non pas qu’ils respectent les règles ; mais parce que paradoxalement leurs publicités inexistantes ou confidentielles font que les entreprises n’ont pas connaissance de leurs manquements à la réglementation. Mais il est vraisemblable que cet état de fait risque de ne pas durer et que si se ne sont pas les TA qui s’en préoccupent, ce sera les CRC.
Pour l’avenir, il est donc intéressant de relever la décision rendue le vendredi 7 octobre par le Conseil d’Etat qui a annulé une procédure de passation du marché adapté de 35 000 € relatif à l’étude de l’implantation d’un musée (Louvre 2), au motif que la région Nord-Pas-de-Calais, en choisissant son site internet et une publication dans un journal régional n’avait pas respecté ses obligations d’une publicité qui doit prendre en compte le montant mais aussi l’objet du marché.
Le Conseil d’Etat juge que la région Nord-Pas-de-Calais « a méconnu les obligations de publicité et de mise en concurrence qui lui incombaient » en choisissant simplement de publier l’avis d’appel public à la concurrence (AAPC) dans le quotidien régional et de diffuser cet avis sur son site Internet pendant 15 jours. Le juge administratif reproche à la région de n’avoir pas assuré « une publicité suffisante auprès des programmistes ayant vocation à y répondre de telle sorte que soient respectés les principes de libre accès à la commande et d'égalité de traitement des candidats ». A l’origine du contentieux, la présidente du Syndicat des programmistes en architecture qui fondait notamment son argumentation sur le caractère inadaptée de la publicité et de la mise en concurrence en vertu de la nature du projet qui, selon elle, appelait une publicité plus large que dans la seule région Nord-Pas-de-Calais. A l’appui de son argumentation, elle avançait que seules six candidatures étaient enregistrées alors qu’il existait en France 116 cabinets dont 68 qui avaient une expérience en matière culturelle.
La région n’a donc pas fait une publicité suffisante pour que les sociétés concernées par le marché soient informées. Le Conseil d’Etat rappelle que « si la personne responsable du marché est libre, lorsqu'elle décide de recourir à la procédure dite adaptée, de déterminer, sous le contrôle du juge administratif, les modalités de publicité et de mise en concurrence appropriées aux caractéristiques de ce marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé, ce choix, toutefois, doit lui permettre de respecter les principes généraux » de la commande publique qui s'imposent à elle.
C’est une jurisprudence capitale qui vient relativiser la « liberté » des acheteurs publics dans le choix de leur modalités en procédure adaptée et qui en annonce d’autres.
Même si le montant (35 000 €) reste important pour un EPLE, il n’a rien d’exceptionnel ou d’impossible pour nombre de lycées ou de gros collèges dans le cadre d’attribution de subventions ; et cette jurisprudence pourrait sans problème être transposée à nombre d’opérations réalisées par nos établissements scolaires. Un exemple : une subvention pour l’achat d’un outil pédagogique dans un lycée technique susceptible d’être fourni par une centaine seulement de sociétés en France et en Europe ne peut faire l’objet de simples demandes de trois devis ou d’une publicité sur un site internet, ni même dans le journal de la région. Vous trouverez en page réglementation une étude plus complète sur la publicité adaptée ; mais dans ce cas de figure, une annonce sur le site du BOAMP me semble un minimum.
Conseil d’État - décision du 07/10/2005, Région Nord-Pas-de-Calais ; dite aussi “jurisprudence Louvre 2”.
Confirmation du caractère obligatoire de l'efficacité de la publicité des MAPA.
La publicité doit être adaptée au montant et à l’objet du marché, mais aussi au degré de concurrence entre les entreprises. C’est ce que vient de décider le président du Tribunal administratif de Mayotte, en annulant la procédure de passation d’un MAPA dans sa décision "Réunion Villes Propres", rendue le 2 mai 2006.
Le Tribunal administratif de Mamoudzou, vient d’apporter sa contribution à la question de la publicité des marchés à procédure adaptée (MAPA). Dans le prolongement de la jurisprudence « Louvre 2 », le tribunal rappelle que la publicité doit être adaptée non seulement au montant et à l'objet du marché, mais aussi au degré de concurrence entre les entreprises.
Une publication dans un journal local ne couvrant que le territoire de Mayotte n'est pas conforme à ces principes, et n'assure donc pas l'efficacité de la publication. Le tribunal juge ainsi que "le Syndicat de développement du sud de Mayotte s’est borné à publier son avis d’appel à la concurrence dans un journal à diffusion locale, en l’occurrence « le Mahorais »; que compte tenu des fournitures demandées et du montant envisagé, une telle publication ne permettait pas d’ouvrir suffisamment le marché en cause auprès de certaines entreprises ayant vocation à y répondre".
Une publication n'est pas suffisante uniquement parce qu'elle légale ; elle est suffisante parce qu'elle s'adresse efficacement aux personnes à même d'être intéressées. Et donc, en ce qui concerne la publicité des MAPA, parce qu'elle est susceptible de toucher les entreprises qui sont susceptibles d'être candidates à l'attribution du marché.
Cette obligation de publicité adaptée ne concerne pas que les MAPA, mais est valable pour toutes les procédures. Ainsi, dans sa décision "Société Azur BTP contre Commune de Bompas" du 14 mars 2006 portant sur une procédure négociée pour une opération de 3 millions €, le juge a considéré que la publicité, bien qu'elle ait été légalement effectuée dans deux journaux locaux d'annonces légales, était insuffisante pour que toutes les entreprises concernées par l’opération soient informées. En l’espèce, il a été jugé que la publication de deux avis d’appels publics à la concurrence relatifs à un marché de travaux de 3.553.555,20 euros TTC dans deux journaux d’annonces légales, tels que le Midi libre et l’Indépendant, et d’un extrait de l’avis dans le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, ne saurait être regardée comme suffisante. Pour assurer une publicité conforme aux objectifs de l’article 1er du code des marchés publics, une publication dans un journal spécialisé correspondant au secteur économique concerné est utile.
Procédure restreinte: les critères de candidature doivent figurer dans l'avis.
Le TA de Paris a jugé le 28 avril 2006 que dans une procédure restreinte, la personne publique devait mentionner dans l'avis les critères qu'elle privilégiera au niveau des candidatures. Il n'est fait exception à cette règle que dans le cas où la procédure est dispensée de publicité. De plus, l'avis ne peut se borner à renvoyer au règlement de consultation (Voir aussi CE 8 avril 2005, Radiometer contre Hôpitaux de Paris).
T.A. de Paris 28 avril 2006, "Société Ipsos Loyalty".
Les critères de sélection des offres ne doivent pas être différents dans l'avis d'appel public à la concurrence et le règlement de la consultation.
Un arrêt du Conseil d’Etat du 20 octobre 2006 rappelle que, dès lors que l'autorité choisit de faire connaître ses critères de sélection des offres dans l'avis d'appel public à la concurrence, elle ne peut ensuite les modifier sans porter atteinte au principe de la transparence des procédures et d'égal accès des candidats aux délégations de service public. Il lui est en revanche possible de préciser le sens et la portée de ces critères de sélection au cours de la consultation, dès lors que ces précisions n'ont ni pour objet ni pour effet de créer des discriminations injustifiées entre les entreprises candidates. En l’espèce, les critères d'attribution énoncés dans le règlement de la consultation au nombre de sept par ordre de priorité décroissante n'étaient pas identiques à ceux, au nombre de deux et non hiérarchisés, énoncés dans l'avis d'appel public à la concurrence publié au Journal officiel de l'Union européenne.
Conseil d'État, 20 octobre 2006, Communauté d’agglomération Salon-Etang de Berre-Durance
Publicité des MAPA et CRC.
Dans son rapport d’observations définitives, la CRC d’Ile-de-France reproche à la commune de Porcheville que, dans sa délibération concernant les règles applicables en matière de MAPA, elle n’a prévu « aucune modalité de publicité pour tous les marchés d’un montant compris entre 4 000 € et 50 000 € ; mais une simple mise en concurrence de trois fournisseurs sollicités par les services de la commune ». Comme les lecteurs attentifs de la rubrique « Marchés publics » du site le savent, cette disposition n’est pas en mesure de garantir un libre accès à la commande publique ; et donc représente pour la CRC « un risque pour la commune au regard de possibles recours devant les tribunaux ». A noter que cette décision est antérieure au passage de 4 000 à 20 000 €.
Jurisprudence marchés publics 2