Analyse juridique
Exigibilité des créances du SRH et divorce.
T.A. Grenoble, 18 avril 2019, n° 1605793 :
Le père d’une collégienne a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler le titre exécutoire émis à son encontre par l’ordonnateur du collège, correspondant aux frais de demi-pension de sa fille. Il estimait ne pas être redevable de cette somme au motif que la résidence de l’enfant avait été fixée chez son ex-conjointe et qu’il versait, en exécution d’un jugement du juge aux affaires familiales, une pension alimentaire couvrant l'ensemble des frais pour subvenir aux besoins de sa fille.
Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande du requérant en s’appuyant sur les dispositions des articles 371-1, 371-2, 372, 372-2 et 373-2 du code civil aux termes desquels chacun des titulaires de l’autorité parentale est tenu solidairement et pour le tout de l’obligation de nourrir, entretenir et élever les enfants communs. Le tribunal administratif de Grenoble a par ailleurs précisé que si cette obligation solidaire se divise entre les parents qui, dans leurs rapports entre eux, doivent en supporter le poids proportionnellement à leurs ressources, elle est unique au regard des enfants, qui en sont les créanciers, comme au regard des tiers qui se substituent aux enfants lors de l’acquittement des obligations dues par les parents, sauf décision judiciaire contraire.
En l’espèce, la séparation des parents et l’absence de résidence commune ne faisaient pas obstacle à l’obligation d’entretien incombant aux parents titulaires de l’autorité parentale, laquelle peut effectivement prendre la forme d’une prise en charge directe de certains frais exposés au profit de l’enfant, sauf décision de justice contraire. Le jugement du juge aux affaires familiales fixant la résidence de la collégienne ainsi que la contribution respective des parents aux frais de son entretien et de son éducation est donc sans incidence sur le droit des tiers. Ces derniers peuvent donc s’adresser indifféremment à l’un ou l’autre des parents titulaires de l’autorité parentale pour le recouvrement des créances relevant de l’obligation d’entretien des enfants. Il appartient ensuite au parent qui a réglé les frais de demi-pension et à lui seul d’en demander le remboursement à l’autre parent.
En l’espèce, le tribunal a jugé que c’était à bon droit que le collège avait émis à l’encontre du père de la collégienne, tenu solidairement au paiement des frais de demi-pension, un titre exécutoire, sans préjudice pour ce dernier de réclamer à la mère de sa fille, s'il s'y croyait fondé, le remboursement de la somme versée au comptable public.
Tacite reconduction.
Une décision fort intéressante du Conseil d'état (Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 17/10/2016, 398131) : "Considérant que les clauses de tacite reconduction contenues dans des contrats de la commande publique étant illégales, aucun préjudice, et donc aucun droit à indemnité, ne peut naître, pour le cocontractant de l'administration, de l'absence de reconduction tacite d'un contrat à l'issue de la durée initiale convenue par les parties ; qu'ainsi, l'illégalité de la clause de tacite reconduction contenue dans un contrat de la commande publique a pour conséquence l'illégalité de la clause prévoyant l'indemnisation du cocontractant de la personne publique à raison de la non reconduction tacite du contrat ; que l'illégalité d'une telle clause indemnitaire dépourvue de fondement légal doit être relevée d'office par le juge "
Décision à rapprocher de l'article 13 du décret du 25 mars 2016 :
« Sous réserve des dispositions de l'ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée et du présent décret relatives à la durée maximale de certains marchés publics, la durée d'un marché public est fixée en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d'une remise en concurrence périodique.
Un marché public peut prévoir une ou plusieurs reconductions à condition que ses caractéristiques restent inchangées et que la mise en concurrence ait été réalisée en prenant en compte sa durée totale.
Sauf stipulation contraire, la reconduction prévue dans le marché public est tacite et le titulaire ne peut s'y opposer. ».
Divorce et avis aux familles.
Une réponse intéressante dans le numéro de juillet de la LIJ :
La direction des affaires juridiques a été interrogée sur l’obligation éventuelle pour l’agent comptable d’un établissement public local d’enseignement (E.P.L.E.) d’établir deux factures pour les frais de demi-pension d’un élève dont les parents divorcés se prévalaient d’un engagement contractuel prévoyant le partage de ces frais dont ils ne s’estimaient plus solidaires.
Selon l’article 371-2 du code civil, l’entretien des enfants est une obligation qui incombe à chacun des parents, détenteurs de l’autorité parentale en vertu de l’article 371-1 du même code.
Le premier alinéa de l’article 373-2 du code civil dispose que : « La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’autorité parentale. »
Les dépenses liées à l’entretien des enfants incombent donc aux parents dès lors que l’autorité parentale ne leur a pas été retirée. Leur séparation (et a fortiori leur divorce) est sans incidence sur cette obligation. La Cour de Cassation a ainsi eu l’occasion de juger que l’acte de divorce marocain prévoyant que le père est affranchi de son obligation alimentaire est contraire à l’ordre public, dans la mesure où « le droit à aliment (…) est un droit indisponible qui s’impose [aux] père et mère qui ne peuvent y renoncer » (Cass. civ. 1, 14 octobre 2009, n° 08-15583).
Par ailleurs, quand bien même une convention homologuée ou un jugement aurait prévu les modalités de contribution de chacun des parents à l’entretien des enfants dans le cadre d’une séparation (cf. article 373-2-2 du code civil), les parents sont tenus solidairement des dettes alimentaires de leurs enfants, au nombre desquelles figurent les frais de restauration scolaire (cf. C.A. Nancy, 10 mars 2014, n° 13-01411).
De surcroît, les modalités de contribution à l’entretien des enfants prévues par convention ou jugement (article 373-2-2 du code civil) ne valent, en raison de l’effet relatif du jugement, qu’entre les parties. Les parents ne peuvent donc pas se prévaloir de ces dispositions pour imposer à l’agent comptable d’un E.P.L.E. d’établir deux factures distinctes pour partager entre eux les frais de la restauration scolaire de leur enfant.
Il appartient donc au parent à qui a été adressée l’unique facture de solliciter, le cas échéant, de l’autre parent le règlement ou le remboursement des frais de restauration scolaire engagés, en fonction des modalités qui auraient été convenues dans le cadre de leur séparation.
Pour résumer on envoie une seule facture au responsable indiqué et les parents séparés se débrouillent entre eux.
Recrutement de contractuel par un EPLE.
La direction des affaires juridique du ministère de l'Education Nationale a été interrogée sur la capacité pour un EPLE à recruter sur ressources propres un agent contractuel de droit public chargé de la gestion d'une cafétéria.
La réponse de la DAJ se résume comme suit : D'une manière générale seul le recteur est compétent pour recruter des agents contractuels de droit public exerçant dans les EPLE, cela concerne les professeurs contractuels et les professeurs associés. Toutefois, dans certains cas l'EPLE peut procéder lui-même au recrutement d'agents contractuels. Ainsi, conformément aux articles L 916-1 et L917-1 du code de l'éducation il peut recruter des assistants d'éducation après accord du directeur académique des services de l'éducation nationale pour une durée maximale de trois ans renouvelables dans limite de 6 ans. En revanche il ne peut procéder au recrutement d'un contractuel en vue de gérer une cafétéria car cette possibilité n'est pas prévue par un texte législatif ou réglementaire. Cette interdiction subsiste même en cas de financement sur les fonds propres de l'établissement.
Frais pour participation à un examen ou concours.
Message de la DAF du ministère :
Par un jugement du 15 juin 2016 du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de la rectrice de l'académie de Lyon...
Il a retenu que "ni la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, ni l'arrêté n°13-320 du préfet de la région Rhône Alpes en date du 25 octobre 2013, instituant une régie de recettes et d'avances auprès du rectorat de l'académie de Lyon, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, n'autorise la division des examens et concours du rectorat à exiger du candidat le paiement de frais d'affranchissement pour la constitution des dossiers d'inscription aux concours"
Nous vous rappelons donc qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'autorise, en l'état actuel du droit, la perception d'une participation financière des candidats, qu'elle qu'en soit la forme, au titre des frais d'organisation des examens et concours.
Marchés publics et contrôle du comptable.
Un jugement de CRC surprenant et inquiétant avec la mise en débet d’un comptable pour dépassement des seuils des marchés.
« Considérant qu’il résulte de ces dispositions que si un comptable public peut procéder, sans exiger la production par l’ordonnateur d’un contrat écrit, au paiement de dépenses de fournitures homogènes d’un montant inférieur à 15 000 € HT par fournisseur, il doit, à l’appui du premier mandat entraînant, par addition des sommes précédemment versées au même fournisseur sur le même exercice budgétaire pour des prestations homogènes, un dépassement de ce seuil suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur lui ait produit les justifications nécessaires, à savoir un contrat écrit ou, à défaut, un certificat administratif par lequel il déclare avoir passé un contrat oral et prend la responsabilité de l'absence de contrat écrit ; que, dans le cas où les factures produites ne permettent pas au comptable de savoir avec certitude si elles correspondent à des fournitures homogènes, il lui appartient de suspendre le paiement et de solliciter auprès de l’ordonnateur les précisions nécessaires »
Cette juridiction va loin dans la définition du seuil, savoir si cette interprétation sera suivi par d’autres à l’avenir.
En l’état, je ne sais pas s’il a été fait appel de cette décision, ni si des suites jurisprudentielles seront envisagées.
CRC de Bretagne - jugement du 30 mai 2016.
Un autre jugement de la CRC d’Ile-de-France qui va dans le même sens et qui concerne un lycée agricole.
« Attendu que la comptable a réglé à une même société des prestations de transport en autocars, par des mandats imputés aux comptes 6245 et 6247, pour des montants cumulés de 47 176,20 € en 2009, 69 498,60 € en 2010 et 92 188,65 € en 2011, représentant un total de 208 863,45 €, sans qu’aucun contrat écrit n’ait été conclu entre l’établissement et cette société de transports ;
Attendu que la comptable reconnait qu’aucun contrat écrit n’avait été passé avec le prestataire pour les exercices visés par le réquisitoire, bien qu’elle ait alerté le directeur de l’établissement, par courrier du 17 septembre 2009 du dépassement des seuils fixés par le code des marchés publics ;
Attendu que les certificats administratifs communiqués par le directeur de l’établissement attestant d’une mise en concurrence informelle de plusieurs prestataire qui ont conduit au choix de la société la mieux-disante, ainsi que la régularisation opérée pour les années scolaires ultérieures, sont sans effet sur la responsabilité de la comptable, qui n’est pas engagée pour n’avoir pas contrôlé l’application des règles de publicité et de concurrence, mais pour n’avoir pas exigé un contrat écrit au moment du paiement ;
Attendu qu’ainsi, en s’abstenant de suspendre la paiement des mandats, alors que le montant des factures réglées au cours de chacun des exercices concernés dépassait le seuil au-delà duquel les marchés doivent être passés sous forme écrite, la comptable a manqué à ses obligations de contrôle de la dépense ; qu’ainsi, Mme X… a commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; »
CRC d’Ile de France - jugement du 29 janvier 2016.
Deux poids, deux mesures.
Le Conseil d'État a jugé le 17 octobre 2016 que si le code des juridictions financières fixe un montant minimal des amendes que la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) peut infliger, il ne fait pas obstacle à ce que la Cour décide, compte tenu notamment des circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise et des qualités de gestionnaire de la personne mise en cause, de ne pas lui infliger d'amende, alors même qu'elle a retenu l'existence d'une infraction.
Par contre le juge des comptes ne tient jamais compte des circonstances ou des qualités du comptable pour éviter de lui coller une amende…
Rapport de l’IGAENR sur la gestion comptable et financière des EPLE.
Un important rapport de novembre 2016 de l’IGAENR analyse l'évolution du fonctionnement de la gestion comptable et financière des établissements scolaires du second degré. Il met également l'accent sur les problématiques de gestion de ressources humaines, au travers du besoin de renouvellement des agents comptables, qui va nécessiter de constituer un vivier de personnels. Le rapport « l’évolution de la carte comptable : de la croisée des chemins à de nouveaux défis à relever » analyse quatre volets de cette évolution :
- une restructuration de la carte des agences comptables qui se poursuit, et a profondément changé sa physionomie, sur la période comprise entre les années 2008 et 2015 ; la mission s’est attachée à objectiver les effets de cette restructuration sur l’amélioration de la qualité comptable ;
- le développement des capacités d’analyse financière, dans le réseau des EPLE, a été observé au travers de la lecture de rapports de présentation des comptes financiers ; il s’accompagne d’une analyse de la situation financière globale des EPLE ;
- la rénovation de la fonction financière en EPLE, induite par les changements d’applications informatiques, qui se traduira par un repositionnement des acteurs et engendrera de forts besoins de formation,
- le rapport met enfin l’accent sur les problématiques de gestion de ressources humaines, au travers du besoin de renouvellement des agents comptables, qui va nécessiter de constituer un vivier de personnels.
Plusieurs sujets de ce rapport méritent une attention ; on en retiendra plus particulièrement deux :
I - L’évolution des agences comptables.
Le rapport se penche sur les évolutions de la carte comptable et note qu’à la rentrée scolaire 2015, avec 1 357 agences comptables pour 7 814 EPLE, la cible nationale (6 EPLE) est quasiment atteinte avec une moyenne de 5,8 établissements par agence comptable. Il détaille la physionomie de la carte en 2015 et les stratégies académiques ; ainsi que les mesures d’accompagnement des établissements. Il fait également des propositions concernant le contrôle interne budgétaire et comptable et l’organisation des groupements comptable. Le rapport met aussi l’accent sur l’absence d’évaluation formalisée des fonctions de comptable et préconise de doter les agents comptables d’une lettre de mission, qui servira de point d’appui pour l’évaluation à conduire par le secrétaire général d’académie ou son représentant.
En matière de ressources humaines, il note que la situation actuelle peut être qualifiée de très correcte. « Avec le resserrement de la carte des agences comptables, les postes d’agents comptables sont occupés par des personnels expérimentés, et peu de difficultés sont recensées. Cette situation risque cependant d’être conjoncturelle au regard de la pyramide des âges des agents en poste. La situation recensée dans vingt-sept académies fait apparaître une part des « 55 ans et plus » supérieure à 40 % ; dans huit académies, les « 60 ans et plus » représentent plus du quart des effectifs. Dans le même temps, les réformes statutaires récentes ont tari l’alimentation du vivier susceptible d’occuper directement des fonctions d’agent comptable. Ces éléments militent pour qu’à la fois les difficultés à venir soient anticipées au travers d’une politique de gestion prévisionnelle, et que la reconstitution d’une filière financière au sein du ministère de l’éducation nationale soit envisagée. Il en va de la capacité de l’institution à continuer à gérer directement ses agences comptables, en s’appuyant sur un niveau de compétences avéré, et dans les meilleures conditions de maîtrise de la qualité ».
On note d’ailleurs qu’une mission portant sur « les problèmes de recrutement et de formation des filières financières et comptable » est confiée à l’IGAENR au titre du programme de travail de l’année 2016-2017.
Parmi les recommandations faites par les IGAENER on peut relever :
- Préférer à la cible quantitative définie en 2008 un objectif plus ambitieux de resserrement de la carte des agences comptables, fondé sur la recherche d’une meilleure professionnalisation du réseau.
- Ne maintenir que de manière exceptionnelle les petites agences comptables et piloter le dispositif au niveau académique (conditions de mobilité, d’accompagnement et de formation).
- Harmoniser au niveau national les critères à prendre en compte dans la cotation des agences comptables.
- Communiquer aux chefs d’établissement et aux agents comptables la dotation théorique des moyens administratifs attribués par les services du rectorat aux agences comptables.
- Envisager à terme d’isoler la dotation destinée à l’agence comptable car celle-ci constitue un service mutualisé au profit d’un nombre conséquent d’établissements.
- Inviter l’administration centrale à s’assurer que les missions confiées aux cellules R-Conseil sont bien menées conformément à la charte et encourager les académies à homogénéiser leur action par mutualisation des bonnes pratiques.
- Élaborer un cadrage national de la fonction de fondé de pouvoir – adjoint de l’agent comptable.
- Définir un plan pour valoriser et rendre attractives les fonctions comptables et financières. Accompagner le mouvement de refonte de la carte des agences comptables par une évolution du régime indemnitaire qui prenne mieux en compte l’accroissement de la taille moyenne des agences comptables, et introduise des paliers pour valoriser les regroupements les plus importants (plus de sept, plus de dix établissements).
- Au niveau national, réinstaller une formation lourde préparant aux fonctions d’agent comptable, et, au niveau académique, et de préférence interacadémique, redynamiser le plan de formation et l’articuler avec le plan national.
II - La rénovation de la fonction de gestionnaire en EPLE.
Le rapport c’est également posé la question du devenir du métier de gestionnaire.
« …comme le chef d’établissement concentre l’essentiel de son activité en priorité sur le pilotage pédagogique de son établissement, une grande latitude d’action est laissée à l’adjoint gestionnaire. La mission a observé une évolution significative de la fonction du gestionnaire qui impacte les trois dimensions de son métier.
S’agissant de la gestion de l’établissement, une importance nouvelle a été conférée à la partie financière depuis la mise en oeuvre de la réforme du cadre budgétaire et comptable en 2013. La nouvelle structure du budget, dont les postes déclinés en services, domaines et activités sont corrélés aux comptes du plan comptable, facilite désormais les contrôles du comptable et lui permet de renforcer ses exigences de qualité de l’imputation comptable dès la phase de liquidation de la dépense ou de la recette qui incombe à l’ordonnateur. Toutefois, les situations ne sont pas comparables entre l’adjoint gestionnaire, agent de catégorie B en fonction dans son petit établissement depuis de nombreuses années, qui éprouve parfois des difficultés à maîtriser ces nouveaux concepts malgré les formations reçues et l’accompagnement de son agent comptable, et de jeunes adjoints gestionnaires avec un bon niveau de formation exerçant dans un lycée.
La gestion matérielle évolue également avec la pratique de plus en plus développée de reprise en gestion directe par les collectivités territoriales de la viabilisation, des contrats d’entretien voire de la restauration, qui s’accompagne aussi d’une forte incitation à passer par leurs groupements de commande. Cette nouvelle politique des collectivités territoriales a un impact certain sur le métier de gestionnaire et contribue de fait à le vider en partie de sa substance. Enfin, quelques collectivités territoriales ont affecté des techniciens auprès des établissements qui constituent un encadrement intermédiaire dans les EPLE et peuvent se voir confier jusqu’à l’évaluation des personnels « adjoints techniques territoriaux des établissements d’enseignement (ATTEE) ; ces derniers peuvent alors considérer qu’ils n’ont de compte à rendre qu’à leur employeur, ce qui pose la question de l’autorité fonctionnelle de l’adjoint gestionnaire. »
Ce qui conduit à la conclusion suivante : « Eu égard à ce constat, il serait souhaitable que le ministère s’interroge sur l’évolution du métier d’adjoint gestionnaire. La fonction étant à certains endroits en voie d’amoindrissement, il est nécessaire d’offrir des perspectives d’avenir et de carrière à ces agents ; … et en tirer les conséquences en termes de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences. ».
Le rapport se penche ensuite sur le cas des « petits » établissements et recommande de relancer une réflexion sur l’évolution du statut juridique des petits EPLE.
« … la fonction de gestionnaire d’EPLE, notamment en collège dans les très petites structures, mériterait d’être analysée dans une dimension plus prospective face à ce contexte institutionnel et financier en voie de modification rapide. Des pistes peuvent être envisagées autour d’EPLE multi-sites, ou encore de « l’école du socle », en déconnectant la réalité physique d’une unité (son implantation) et sa qualification juridique. Du point de vue de la gestion, la mutualisation de la fonction serait de nature à redonner du sens aux fonctions des personnels qui disposeraient de masses critiques à appréhender et retrouveraient donc davantage de marges de manoeuvre. ».
D’autres points de ce rapport traitent de l’évolution des logiciels de gestion, des services facturiers, de la fonction de fondé de pouvoir, de la formation des ordonnateurs, de l’évolution des carrières…
La lecture de ce rapport est indispensable pour tout collègue qui s’interroge sur l’évolution de son métier et ses perspectives d’avenir.
Concessions de logement - jurisprudences.
Une gestionnaire avait demandé l’annulation du rejet de sa demande de dérogation à son obligation de résidence sur son lieu d’affectation.
La cour administrative d’appel de Marseille dans un jugement du 31 janvier 2017 a d’abord rappelé que, conformément aux dispositions des articles R. 216-4, R. 216-5 et R. 216-17 du code de l’éducation, il appartenait à la collectivité territoriale de rattachement de l’EPLE d’arrêter la liste des emplois dont les titulaires bénéficient d’une concession de logement par nécessité absolue de service (NAS) ou par utilité de service. Il s’agit bien d’attribution des logements à des fonctions et non à des personnes par le biais d’un acte pris par la collectivité qui se traduira après en concessions nominatives.
La cour a ensuite relevé que les concessions de logement par nécessité absolue de service sont accordées aux personnels de direction, d’administration, de gestion et d’éducation, en application de l’article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques (se substituant à l’article R. 94 du code du domaine de l’État), lorsque l’agent ne peut accomplir normalement son service, notamment pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité, sans être logé sur son lieu de travail ou à proximité immédiate. La cour en a déduit qu’il ne peut être dérogé à l’obligation de résidence par nécessité absolue de service « qu’à titre exceptionnel », lorsque la situation personnelle de l’agent le justifie et que la dérogation n’est pas de nature à compromettre la bonne marche du service au regard des responsabilités de cet agent et des sujétions liées aux fonctions qu’il exerce.
En l’espèce la cour a conclu que l’obligation faite à la requérante de résider sur son lieu de travail répondait directement à « un impératif de bonne marche du service » et a écarté les arguments liés à sa situation personnelle ; appliquant ainsi la jurisprudence « Sieur Hoffert » (C.E., 21 avril 1950) selon laquelle le bénéfice d’un logement de fonction est accordé dans l’intérêt du service et non en fonction des convenances personnelles de l’agent.
On retrouve ici la jurisprudence du conseil d’Etat « Département du Val de Marne » du 12 décembre 2014 : «il résulte ainsi des dispositions des articles R. 216-16 et R. 216-17 du code de l'éducation qu'il appartient à l'organe délibérant de la collectivité territoriale de rattachement de l'établissement d'enseignement d'arrêter, sur la proposition du conseil d'administration de l'établissement, la liste des emplois dont les titulaires bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service ou par utilité de service, la situation et la consistance des locaux concédés, ainsi que les conditions financières de chaque concession, dans la limite, s'agissant des agents devant être logés par nécessité absolue de service, du nombre déterminé par le barème établi dans les conditions prévues à l'article R. 216-6 ; qu'il s'ensuit que les personnels de direction, d'administration, de gestion et d'éducation, mentionnés à l'article R. 216-5 du code de l'éducation, ne sauraient être regardés comme bénéficiant d'un droit à être logés dans l'établissement par nécessité absolue de service que dans la mesure où leur emploi figure sur une liste arrêtée par l'organe délibérant de la collectivité territoriale de rattachement, laquelle doit être établie en prenant en compte les fonctions qui ne pourraient être exercées normalement par un agent qui ne serait pas logé sur place ».
Il en ressort qu’en vertu de l’article R. 216-4 du code de l'éducation les conditions dans lesquelles des concessions de logement peuvent être accordées aux personnels de l'État dans les EPLE sont désormais fixées par les articles R. 2124-64 à R. 2124-77 du code général de la propriété des personnes publiques et par les articles R. 216-5 à R. 216-18 du code de l'éducation. Le conseil d’État a jugé que la seule appartenance à la catégorie des personnels de direction, d'administration, de gestion et d'éducation mentionnée à l’article R. 216-5 du code de l’éducation ne suffisait pas à ouvrir à ces personnels un droit à l’attribution d’un logement de fonction en NAS. Il faut également que la fonction occupée figure sur la liste arrêtée par la collectivité de rattachement dans le respect du barème fixé par l’article R. 216-6, s’agissant du nombre de logements concédés par NAS. Et les collectivités territoriales ont le droit de vérifier que les fonctions attachées à ces fonctions ne pourraient être exercées normalement par un agent qui ne serait pas logé sur place. Dans le cas contraire, la collectivité de rattachement peut refuser d’y inscrire le ou les emplois concernés, quand bien même les fonctions exercées sont mentionnées à l’article R. 216-5 du code de l’éducation. Le conseil d’Etat dans l’arrêt de décembre 2014 a ainsi jugé qu’un département, en ne portant pas l’emploi de CPE sur la liste de ceux bénéficiant d’un logement par NAS, avait estimé que les fonctions correspondantes pouvaient être exercées normalement sans que le conseiller principal d’éducation soit logé sur place.
Les articles du code de l’éducation font toujours référence au code du domaine de l’Etat mais la jurisprudence se réfère désormais au code général de la propriété des personnes publiques et notamment à l’article R2124-65 qui indique « une concession de logement peut être accordée par nécessité absolue de service lorsque l'agent ne peut accomplir normalement son service, notamment pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité, sans être logé sur son lieu de travail ou à proximité immédiate », et à l’article R2124-68 : « Lorsqu'un agent est tenu d'accomplir un service d'astreinte mais qu'il ne remplit pas les conditions ouvrant droit à la concession d'un logement par nécessité absolue de service, une convention d'occupation précaire avec astreinte peut lui être accordée ».
Cette jurisprudence pose la problématique qu’il appartiendrait donc à une collectivité de rattachement de porter un jugement sur les conditions d’exercice des fonctions d’un fonctionnaire d’Etat. Si on peut éventuellement le comprendre dans le cas d’un CPE dans un établissement sans internat, il en va tout autrement pour admettre qu’une région ou un département puisse juger si les fonctions de gestionnaire peuvent être exercées sans logement en NAS. Certes un logement en COP (convention d’occupation précaire) serait possible mais combien de gestionnaires accepteront les contraintes et les dépassements d’horaires tout en devant payer un loyer et des charges ? Il sera donc important de suivre l’évolution du dossier concernant la volonté réaffirmée dernièrement du département des Côtes d’Armor de ne plus loger en NAS que les principaux des collèges du département, et de ne proposer aux gestionnaires que des concessions par utilité de service. Une décision qui, si elle devait se confirmer et surtout se généraliser, serait lourde de conséquences sur l’avenir même du métier de gestionnaire.
Délit de négligence.
Un arrêt de chambre criminelle de la Cour de cassation N°15-87328 du 22 février 2017 vient de rappeler le devoir de vigilance et de l’obligation de procéder à des vérifications élémentaires pour les personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public, ou encore le comptable public.
L'article 432-15 du code pénal sanctionne le détournement de fonds, l’article 432-16 celui qui a fait preuve de négligence, ou a manqué à l'obligation de surveillance qui pèse sur lui, de sorte qu'il a indirectement facilité la destruction, le détournement ou la soustraction des fonds ou des objets qui lui avaient été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission. L’article 432-16 suppose la réunion de quatre éléments :
- La qualité de l'agent auquel est reprochée la négligence ou le défaut de surveillance ;
- Les biens sur lequel portait l'obligation de surveillance c'est-à-dire les objets détruits détournés ou soustraits ;
- Les faits de destruction détournement ou soustraction imputable à une personne tierce qui a profité de la négligence de l'agent ;
- Enfin l'élément moral qu'il faut retenir contre cet agent et que la loi désigne du mot " négligence ".
La Cour de cassation a considéré ‘’qu'en se contentant de s'en remettre aveuglément à Mme Edith Y... sur laquelle il se reposait totalement sans lire les documents présentés à sa signature en validant des factures qui ne pouvaient en aucun cas concerner le syndicat intercommunal qu'il présidait, M. X... a manqué aux devoirs de sa charge et commis une faute caractérisée, l'autorité de tutelle n'ayant pas vocation à se substituer à lui mais à le superviser ’’ .
Cet arrêt indiqué par le bulletin de l’académie d’Aix-Marseille d’avril vient rappeler aux ordonnateurs et aux comptables que leur responsabilité peut être engagée pour défaut de vigilance ; et qu’il est toujours imprudent de faire une confiance aveugle à ses collaborateurs.
Régisseur - jurisprudence.
Le Conseil d'Etat a jugé, le 6 décembre, que la décision de nomination d'un régisseur par un chef d'établissement ne pouvait pas être implicite.
Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 06/12/2017, 402474.
Un premier jugement de la CRC du Nord-Pas-de-Calais, confirmé par la Cour des comptes a déclaré une principale, un régisseur et un agent comptable conjointement et solidairement gestionnaires de fait d’un collège au motif que la nomination du régisseur ne pouvait résulter d'une simple décision implicite du chef de l'établissement concerné, mais qu’elle devait nécessairement être formalisée par un acte. Le Conseil d’Etat a confirmé cette position considérant que « la nomination d'un régisseur affecte la détermination des personnes susceptibles d'être déclarées personnellement et pécuniairement responsables d'opérations relevant de la comptabilité publique ; que, dès lors, cette nomination ne saurait résulter d'une simple décision implicite du chef de l'établissement concerné, mais doit nécessairement être formalisée par une décision explicite, soumise à l'agrément de l'agent comptable » ; faute d'une décision explicite du chef d'établissement agréée par le comptable, il n'avait pas été nommé de régisseur de recettes et d'avances du collège. La procédure de gestion de fait permet de saisir en leur chef toutes les personnes ayant contribué à la mise en place de la gestion de fait, même si elles n'ont pas manipulé de deniers publics ; qu'elles peuvent être déclarées comptables de fait si elles ont participé, fût-ce indirectement, aux irrégularités financières, ou si elles les ont facilitées, par leur inaction, ou même tolérées. Or la chef d’établissement n’avait pas procédé au contrôle de la régie, ni, tout comme le comptable, à l’existence de l’acte constitutif de la dite régie.
Actes administratifs.
Dans une décision n° 403855 du mercredi 11 octobre 2017, le Conseil d'État rappelle qu’une autorité administrative doit respecter une règle qu'elle a édictée. Elle est tenue de se conformer aux dispositions réglementaires légalement édictées qui fixent les règles de forme et de procédure selon lesquelles elle doit exercer ses compétences. Dans un EPLE, cette même règle s’applique, notamment pour tout règlement intérieur : voyages, commande publique, etc.
Fonds sociaux.
Une analyse personnelle de la circulaire du 22/08/2017.
Contrôle du comptable sur les contrats.
Une analyse personnelle du contrôle que le comptable doit exercer sur les contrats qui lui sont transmis en PJ des mandats.
Jurisprudence Polaincout.
Condamnation d’un comptable d’EPLE à une amende de 235,50 € pour avoir payé un mandat pour un voyage scolaire de 26 650 € TTC sans disposer d’un document écrit (contrat ou attestation de l’ordonnateur. La limite à l’époque était de 15 000 € HT au delà de laquelle il fallait produit un écrit à l’appui du mandat ; actuellement elle est de 25 000 € HT. C’est l’application de la jurisprudence Polaicourt. Le juge considère que le comptable a manqué à son obligation de contrôle de la validité de la créance, en ne suspendant pas, conformément à l’article 38 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 le paiement du mandat alors qu’il ne disposait pas de contrat écrit ou de certificat administratif de l’ordonnateur attestant de la volonté de conclure un contrat oral. A noter que la production tardive d’un certificat de l’ordonnateur n’a pas suffit à exonérer la responsabilité du comptable ; ce document n’étant pas présent avec le mandat.
Chronique juridique
Jurisprudences
Une jurisprudence originale : C.Comptes, 18 mai 2017, Institut Franco-japonais de Tokyo. Mise en débet du comptable pour avoir payé des mandats avec des pièces justificatives écrites en japonais et non traduites. Ce mandatement a été contrôlé par les adjoints du comptable qui parlaient français et japonais mais la Cour a estimé que le comptable devait être en situation de réaliser lui-même les contrôles.
Ordre irrégulier d’un supérieur hiérarchique : c.Comptes, 3 mars 2017, DRFIP du Limousin. Un comptable avait payé des indemnités du ministre des Finances, alors qu’elles n’étaient instituées par aucun texte réglementaire. L’excuse d’obéissance hiérarchique a été écartée par la Cour des comptes.
Contrôle de la qualité de l’ordonnateur. C.Comptes, 23 mars 2017, Commune de Lyon. Si un ordonnateur accorde une délégation il appartient au comptable de vérifier que les termes de la délégation permettent effectivement au délégataire de signer les documents qui lui sont présentés.
Ordre d’annulation de recette. C.Comptes, 23 mars 2017, commune de Papeete. Une annulation de titre de recette ne dégage la responsabilité du comptable que si elle se fonde sur des documents présentés par l’ordonnateur apportant la preuve d’une erreur concernant la validité de la créance, son montant ou l’identité du débiteur.